THIS, IS A STATEMENT
Franco-italien·ne
j'ai vécu dans plus d'une dizaine de villes,
une trentaine de maisons et quatre pays.
Tant que je marche j'appartiens, mes racines, je les sème. Dans le
terreau granitique des côtes d'Armor, dans le rouge brûlé des montagnes siciliennes. À Venise, à Montréal,
partout, nulle part, au-delà, en-dessus, au-dessous. Mon être est lié aux migrations géographiques, aux processus de changement matériels et
émotionnels.
Sorcière,
je creuse en créant ce qui me fait me sentir puissant·e, connecté·e aux autres, à
la nature et au tout. Dans ma réalité, tangible et intangible occupent la même
place, sur tous les plans : physiques, substantiels, empiriques, sacrés, imaginaires,
oniriques et ancestraux. J'observe les entrelacs du visible et de l'invisible,
j'en témoigne, j'agis avec, je tranche, je répare.
Personne
queer non-binaire, la fluidité est placée au cœur de mon existence. Je suis
fasciné·e par les interstices, les espaces liminaux, ce qui fait étape, se
répète ou mute, ce qui est liaison, commun. Transformation, translation,
transition : envoûtement, nourriture, libération.
Le
langage poétique contemporain, le dessin, les objets rituels, la photographie
argentique sont pour moi des gestes confessionnels comme les autres. Avec ce
faisceau d'outils, instinctivement j'étale tel un oracle sur la table mes
amoures, mes chagrins, mes deuils, mes maisons. Je puise sans honte dans mes affects
et mes déplacements pour parler de territoires et d'ineffable, de santé mentale
vacillante et de spiritualité. Je traque les archétypes en moi, je suis impératrice,
justice et reine de bâton autant que fou, magicien, arcane sans nom. Mes pièces
peuvent toutes s’apparenter à des pages de journaux intimes éparpillées : elles
me racontent, m'inspectent, me cartographient. Ce sont autant de manières de
m’occuper de mon linge en public, de dévoiler mon intimité dans une intense
volonté d'en faire enjeu collectif.
Ma détermination est de ne rien tenir à
l’écart et de le montrer, d'exister en déploiement rhizomatique, d'être un
frisson, une onde. J'approfondis mon expérience d'être vivant humain devant tous·tes
pour que quiconque s'arrêtant puisse sentir une chaleur, sentir qu'iel n'est
pas seul·e, qu'être-au-monde en douleur, en chaos, en liberté pure se partage.
Je crée une déviation du temps pour être ensemble en intuition, en équilibre,
en canal.
Psychologie
analytique, pratiques occultes, littératures, féminismes et théories queer,
documentaires ou autoportraits, les technologies de subjectivité sont mon champ
de recherche.
Mes poèmes sont fragmentaires ou logorrhéiques, bruts ou incantatoires
et lyriques, ils scrutent et sculptent ce qui me traverse avec des images.
Les
fluides corporels, l'encre, l'aquarelle et les matériaux recyclés ou naturels
parcourent mes dessins qui deviennent amulettes, symboles, traces.
Le médium
photographique quant à lui, raconte et honore les lieux que j'investis, les
personnes que je croise, les versions de moi-même tout autant que les épreuves
qui accompagnent la vie non sédentaire.
Mes objets sont souvent constitués de
matières dites "pauvres" et organiques et s'ancrent dans une
tradition sorcière : os de seiche, bois de grève, papier mâché par exemple, sont
des supports pour illustrer ma recherche insatiable de sens, de guérison et de
lien.
L'objectif
de mon travail est de faire constellation à coups d'étendues, d'épanchements : être
disséminé·e de façon singulière, un jet de paillettes qui s'accroche au ciel et
éclaire la route, reconnaissable.
2022